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La botanique dans la toponymie du Québec

 

Dans son édition du 7 mai 2016, le journal Le Devoir publiait quatre articles sur la toponymie au Québec. Textes rassemblés sous le titre « dossier 101, rue de l’amnésie collective  », Fabien Deglise et ses collègues analysent la situation de l’appellation des différentes entités territoriales de la province. L’acte même de nommer les éléments géographiques de notre écoumène est révélatrice de notre manière d’occuper le territoire et surtout de l’appropriation qu’en fait l’imaginaire individuel et surtout, collectif. Nommer les choses est un élément sous-estimé mais fondamental du vivre ensemble.

On apprend dans ce dossier que la toponymie québécoise utilise beaucoup d’éléments de la nature, et notre floristique n’est pas laissée pour compte, loin de là! S’intéresser à la botanique, c’est aussi prendre conscience de la manière dont elle s’immisce dans la vie de tous les jours.

Parmi les 50 toponymes les plus utilisés au Québec, 13 sont des plantes vasculaires, 14 si on y inclus l’appellation « Boisé » associé au nom de la formation végétale bien québécoise, car le mot est davantage un adjectif ailleurs dans la francophonie.

toponymie-WG4_3227La proportion botanique est appréciable mais ce top 50 n’est pas très imaginatif, il se limite à des arbres. Intégrée d’une façon ou d’une autre dans les toponymes, notre Érable trône en deuxième place du palmarès et au premier rang des végétaux avec 388 occurrences, toutes entités territoriales confondues (lac, rue, secteur résidentiel, etc.). Notre fameux sapin figure aussi dans ce peloton de tête des noms les plus utilisés, un peu plus bas, au 43e rang avec 119 occurrences.

Les emprunts à la botanique ne se limitent pas à la strate arborescente mais la fréquence est moindre. A titre d’exemple, mentionnons que l’Iris revient 92 fois, une seule fois sous l’appellation spécifique de notre emblème national : le parc public « le Jardin des Iris-Versicolores » à Drummondville. La Sarracénie se faufile dans la toponymie à six reprises, la Camarine cinq fois, et pour faire plaisir à Jacques Cayouette, Carex 9 fois dont 7 pour des lacs. Chose cocasse : la Canneberge apparaît cinq fois dont quatre au pluriel, alors qu’Atocas, toujours au pluriel, revient 23 fois, signe que les amérindianismes sont plus présents dans notre manière de nommer l’espace occupé que ce que laisse présagé la série d’articles.  Idem pour Chicouté qui revient à 13 reprises.

Malgré la présence confirmée de la botanique, il y aurait amplement de place à plus de créativité, nos plantes à statut précaire pourrait en effet alimenter l’appropriation du territoire. Il permettrait entre autre un geste de mémoire à l’endroit des espèces végétales qui disparaissent ou qui risquent de disparaître du paysage québécois. Pourquoi pas nommer une rue du Ginseng à Saint-Bruno, après l’avenue du Sénateur… !!! M’enfin!

La science est très peu représentée en toponymie, les auteurs n’ont relevé qu’un seul scientifique québécois, et on le devine bien, il s’agit de notre cher Marie-Victorin (1885-1944). Il arrive au 330e rang des toponymes les plus utilisés, entre Henri Bourassa et … Jacques Cartier! Les auteurs n’ont malheureusement pas relevé la présence de Pierre Dansereau (1911-2011) qui figure pourtant à quatre reprises dans des noms de lieux, en plus de l’appellation du complexe des Sciences de l’UQAM… tout près des bureaux du journal! Disciple de Marie-Victorin, il fut encore plus connu à l’international que le maître lui-même! Il n’est pas le seul disciple de Marie-Victorin dans notre toponymie, un hommage est aussi fait à Marcel Raymond (1915-1972), son nom revient à trois reprises dont une rue du quartier Rivière-des-Prairies à Montréal, non loin de l’avenue Rolland Germain (cinq mentions) et …du Parc des Botanistes!

Références :
Articles (4) du « dossier 101, rue de l’amnésie collective  » sur le site du Devoir, édition du 7 mai 2016.
(<http://www.ledevoir.com/motcle/dossier-101-rue-de-l-amnesie-collective>)

Autre lien pertinent : Commission de toponymie du Québec.